Auteurs : Berlioz, Hector / Gautier, Théophile

Titre : Les nuits d'été, six mélodies opus 7 pour mezzo-soprano et orchestre

sur des poèmes de Théophile Gautier.

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Saisie du texte : O. Bogros pour la collection électronique de la

Bibliothèque Municipale de Lisieux (02.05.1996).

Adresse : Bibliothèque municipale - BP 216 - F 14107 Lisieux cedex.

Tél : 31.48.66.50

Minitel : 31.48.66.55

E-mail : [Olivier Bogros] 100346.471@compuserve.com

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Diffusion libre et gratuite (freeware)

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VILLANELLE

 

Quand viendra la saison nouvelle,

Quand auront disparu les froids,

Tous les deux nous irons, ma belle,

Pour cueillir le muguet aux bois ;

 

Sous nos pieds égrenant les perles,

Que l'on voit au matin trembler,

Nous irons écouter les merles

Nous irons écouter les merles siffler.

 

Le printemps est, venu ma belle,

C'est le mois des amants béni,

Et l'oiseau, satinant son aile,

Dit des vers au rebord du nid.

 

Oh! viens, donc, sur ce banc de mousse

Pour parler de nos beaux amours,

Et dis-moi de ta voix si douce,

Et dis-moi de ta voix si douce : "Toujours".

 

loin, bien loin, égarant nos courses,

Faisant fuir le lapin caché,

Et le daim au miroir des sources

Admirant son grand bois penché ;

Puis chez nous, tout heureux, tout aises,

En panier enlaçant nos doigts,

Revenons rapportant des fraises

Revenons rapportant des fraises des bois.

 

 

LE SPECTRE DE LA ROSE

 

Soulève la paupière close

Qu'effleure un songe virginal,

Je suis le spectre d'une rose

Que tu portais hier au bal.

 

Tu me pris encore emperlée

Des pleurs d'argent de l'arrosoir,

Et parmi la fête étoilée

Tu me promenas tout le soir.

 

O toi, qui de ma mort fut cause,

Sans que tu puisses le chasser,

Toutes lesnuits mon spectre rose

A ton chevet viendra danser.

 

Mais ne crains rien , je ne réclame

Ni messe ni De Profundis ;

Ce léger parfum est mon âme,

Et j'arrive du Paradis.

 

Mon destin fut digne d'envie,

Et pour avoir un sort si beau

Plus d'un aurait donné sa vie,

Car sur ton sein j'ai mon tombeau,

 

Et sur l'albâtre où je repose

Un poète avec un baiser

Ecrivit : Ci-gît une rose

Que tous les rois vont jalouser.

 

 

SUR LES LAGUNES (Lamento)

 

Ma belle amie est morte :

Je pleurerai toujours ;

Sous la tombe elle emporte

Mon âme et mes amours.

 

Dans le ciel, sans m'attendre,

Elle s'en retourna ;

L'ange qui l'emmena

Ne voulut pas me prendre.

 

Que mon sort est amer !

Ah ! sans amour, s'en aller sur la mer !

 

La blanche créature

Est couchée au cercueil ;

Comme dans la nature

Tout me paraît en deuil !

 

La colombe oubliée

Pleure et songe à l'absent,

Mon âme pleure et sent

Qu'elle est dépareillée.

 

Que mon sort est amer !

Ah ! sans amour, s'en aller sur la mer !

 

Sur moi la nuit immense

S'étend comme un linceul ;

Je chante ma romance

Que le ciel entend seul.

 

 

ABSENCE

 

Reviens, reviens ma bien-aimée !

Comme une fleur loin du soleil ;

La fleur de ma vie est fermée,

Loin de ton sourire vermeil.

 

Entre nos coeurs quelle distance ;

Tant d'espace entre nos baisers.

O sort amer ! O dure absence !

O grands désirs inapaisées !

 

Reviens, reviens ma bien-aimée !... etc.

 

D'ici là-bas, que de campagnes,

Que de villes et de hameaux,

Que de vallons et de montagnes,

A lasser le pied des chevaux !

 

Reviens, reviens ma bien-aimée !... etc.

 

 

AU CIMETIERE (Clair de Lune)

 

Connaissez-vous la blanche tombe,

Où flotte avec un son plaintif

L'ombre d'un if ?

Sur l'if, une pâle colombe,

Triste et seule, au soleil couchant,

Chante son chant.

 

Un air maladivement tendre,

A la fois charmant et fatal,

Qui vous fait mal,

Et qu'on voudrait toujours entendre,

 

Un air, comme en soupire aux cieux

L'ange amoureux.

On dirait que l'âme éveillée

Pleure sous terre à l'unisson de la chanson,

 

Et du malheur d'être oubliée,

Se plaint dans un roucoulement

Bien doucement.

Sur les ailes de la musique

On sent lentement revenir

Un souvenir ;

Une ombre, une forme angélique

Passe dans un rayon tremblant,

En voile blanc.

 

Les belles de nuit, demi-closes,

Jettent leur parfum faible et doux

Autour de vous,

Et le fantôme aux molles poses

Murmure en vous tendant les bras :

"Tu reviendras !"

 

Oh ! jamais plus, près de la tombe,

Je n'irai, quand descend le soir

Au manteau noir,

Ecouter la pâle colombe

Chanter, sur la pointe de l'if,

Son chant plaintif.

 

 

L'ILE INCONNUE

 

Dites, la jeune belle !

Où voulez-vous aller ?

La voile enfle son aile,

La brise va souffler !

 

L'aviron est d'ivoire,

Le pavillon de moire,

Le gouvernail d'or fin ;

J'ai pour lest une orange,

Pour voile une aile d'ange ;

Pour mousse un séraphin.

 

Dites, la jeune belle, etc...

 

Est-ce dans la Baltique ?

Dans la mer Pacifique,

Dans l'île de Java ?

Ou bien est-ce en norvège

Cueillir la fleur de neige,

Ou la fleur d'Angoska ?

 

Dites, dites, la jeune belle,

Dites, où voulez-vous aller ?

 

Menez-moi, dit la belle,

A la rive fidèle

Où l'on aime toujours.

Cette rive, ma chère,

On la connait guerre

Au pays de l'amour.

 

Où voulez-vous aller ?

La brise va souffler.